Effets de la sécheresse sur l'assimilation du carbone et son allocation dans la biomasse des arbres en forêt
Contexte
Les forêts ont un role majeur dans le cycle mondial du carbone (C) et sont au cœur des initiatives d’atténuation du changement climatique de l’Accord de Paris de 2015. En Europe, les forêts absorbent actuellement environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre de la région, mais les modèles divergents fortement sur la projection de ce puits de C en climat futur, et même sur la question de savoir si les forêts européennes resteront ou non un puits de C ou deviendront une source de C d’ici la fin du 21e siècle. Les principales incertitudes proviennent du fait que l'absorption de carbone des forêts est simultanément favorisée par l'augmentation de la concentration atmosphérique en CO2, les dépôts azotés et l'allongement des périodes végétatives du au réchauffement, et est aussi plus fortement limitée par la disponibilité de l'eau, en raison de la diminution des précipitations estivales et de l'augmentation de l'évaporation (GIEC, 2021). ). Trois problèmes scientifiques principaux limitent actuellement notre compréhension des effets du changement climatique sur la séquestration du carbone par les forêts. Le premier concerne la répartition du carbone entre les différents organes de l’arbre et le lien entre l’assimilation photosynthétique du carbone et sa séquestration dans la biomasse des arbres pérennes. Le second concerne la dégradation de la matière organique et la séquestration du carbone organique du sol sous les effets antagonistes du réchauffement et du dessèchement des sols. Le troisième problème concerne les effets interactifs des limitations en eau et en nutriments sur la croissance des arbres et le fonctionnement des forêts. Dans le cadre d'un projet scientifique qui vise à étudier ces trois problématiques (PEPR FairCarboN Drought ForC – 2023-2028), ce projet de thèse étudiera comment l'allocation de C dans la biomasse des arbres évolue entre les différents organes (bois, racines, feuilles et organes reproducteurs) en réponse à l’augmentation du stress hydrique et à la diminution de l’assimilation du C.
Objectifs et principales tâches:
Les principaux objectifs de cette thèse de doctorat sont de quantifier les conséquences de l'augmentation de la sécheresse sur i) l'assimilation du C forestier et la croissance du bois, ii) l'allocation du C parmi les organes des arbres à courte et longue durée de vie, et iii) l'allocation totale du C souterrain. Le projet de recherche utilisera à la fois les résultats de cinq expériences de manipulation des précipitations à long terme menées dans différents écosystèmes forestiers (trois forêts méditerranéennes dans le sud de la France, une forêt tempérée dans le nord-est de la France et une plantation d'eucalyptus au Brésil), ainsi que des flux de carbone mesurés par corrélation turbulente dans différents sites forestiers du réseau ICOS, pour étudier les effets expérimentaux et interannuels de l'évolution de la disponibilité en eau.
Trois thèmes de recherche principaux seront étudiés au cours de ce projet de thèse :
(1) Le lien entre l’absorption photosynthétique de C et la croissance des troncs. L'allocation du C à la croissance des arbres est généralement représentée comme une fraction fixe de la quantité de C assimilée par la photosynthèse. Ce point de vue a été récemment invalidé par des recherches expérimentales qui ont montré que l'activité cambiale des arbres est plus sensible au stress hydrique que l'assimilation du carbone (Körner 2015; Lempereur et al. 2015), et que le découplage entre assimilation et croissance augmente avec l'aridité ( Cabon et al. 2022). Pour étudier ce phénomène, le doctorant ou la doctorante quantifiera séparément les effets de la sécheresse sur l'assimilation du C et la croissance secondaire du bois, et étudiera les relations temporelles entre les deux en utilisant les données existantes sur les flux de C et d'eau, les mesures du diamètre du tronc et de nouvelles mesures rétrospectives de croissance secondaire via un échantillonnage de carottes d'arbres. Dans les parcelles expérimentales de manipulation des précipitations où les flux de C ne peuvent pas être mesurés par corrélation turbulents il sera nécessaire d'estimer l'effet du traitement sur l'absorption photosynthétique (Misson et al. 2010). Cela se fera en utilisant une combinaison de méthodes écophysiologiques, tandis que la croissance des arbres et l'augmentation de la biomasse ligneuse seront estimées à partir d'inventaires annuels du diamètre des arbres et de leur démographie (recrutement et mortalité), de la largeur des cernes des arbres et de la micro-densité mesurées sur des carottes de bois.
(2) Les effets de la sécheresse sur la répartition du C entre les différents organes aériens des arbres. Les arbres s’adaptent à la sécheresse en modifiant leur architecture hydraulique, ce qui implique une plus grande allocation aux organes souterrains et une réduction de la surface foliaire par unité de surface d’aubier (Choat et al. 2018). La sécheresse modifie également l'allocation de C aux organes reproducteurs (Bogdziewicz 2021). En modifiant la fraction de la biomasse des arbres dans les organes à durée de vie courte ou longue et dans les organes aériens et souterrains, la sécheresse modifie le temps de résidence du C dans l’écosystème (Kannenberg et al. 2022) et le potentiel de stockage du C de la forêt. Par conséquent, les changements d’allocation du carbone en réponse au changement climatique constituent une incertitude majeure et une priorité de recherche pour la projection du puits de carbone des forêts (Babst et al. 2021). L'allocation relative du C au bois, aux feuilles et aux organes reproducteurs, les composantes de la productivité primaire nette aérienne (ANPP), sera quantifiée à l'aide de données à long terme sur la quantité de litière collectée dans des pièges à litière et triée par type d'organe (Gavinet et al. 2019). Les conséquences de la sécheresse sur l'architecture des arbres seront également étudiées par des mesures rétrospectives de la longueur, du nombre et du type des pousses afin de reconstituer la croissance primaire (Barthélémy et Caraglio 2007).
(3) L'allocation de C souterrain et sa réponse à la sécheresse. L'allocation de C souterrain peut représenter de 22 % à 63 % de la production primaire brute totale des forêts et augmente avec les limitations en eau, mais elle est sous-étudiée et mal représentée dans les modèles en raison de difficultés méthodologiques (Litton et al. 2007). L'allocation totale de carbone souterrain (TBCA) est considérée comme la somme de C alloué aux racines grossières et fines, transféré aux mycorhizes, ou perdu par la respiration autotrophe des racines et l'exsudation de composés de C vers le sol. Le TBCA est souvent calculé comme la différence entre la production primaire brute (GPP) et l'ANPP plus la respiration autotrophe aérienne (Rambal et al. 2014), qui peut être déduite en connaissant la respiration du sol. La thèse contribuera à approfondir notre compréhension du TBCA en mesurant directement l'allocation aux racines et aux mycorhizes au sein des différentes expériences de manipulation des précipitations du projet. La biomasse des racines grossières sera estimée dans les fosses et les carottes de sol (Addo-Danso et al. 2016). La production de racines fines sera estimée à plusieurs reprises tout au long du projet à l'aide de carottes de croissance interne. Le flux de C vers les mycorhizes sera estimé à l'aide de sacs d'hyphes enfouis qui seront régulièrement collectés et mesurés pour leur teneur en ergostérol (Wallander et al. 2013).
Références bibliographiques:
Addo-Danso et al. (2016) Methods for estimating root biomass and production in forest and woodland ecosystem carbon studies: A review. For. Eco. Man. doi:10.1016/j.foreco.2015.08.015
Babst et al. (2021) Modeling Ambitions Outpace Observations of Forest Carbon Allocation. Tr. Plant Sc. doi:10.1016/j.tplants.2020.10.002
Barthélémy and Caraglio (2007) Plant Architecture: A Dynamic, Multilevel and Comprehensive Approach to Plant Form, Structure and Ontogeny. Ann. Bot. 99: doi:10.1093/aob/mcl260
Bogdziewicz (2021) How will global change affect plant reproduction? A framework for mast seeding trends. New Phytol. doi:10.1111/nph.17682
Cabon et al. (2022) Cross-biome synthesis of source versus sink limits to tree growth. Science doi:10.1126/science.abm4875
Choat et al. (2018) Triggers of tree mortality under drought. Nature doi:10.1038/s41586-018-0240-x
Gavinet et al. (2019) Rainfall exclusion and thinning can alter the relationships between forest functioning and drought. New Phytol. doi:10.1111/nph.15860
IPCC (2021) Climate Change 2021: The Physical Science Basis. doi:10.1017/9781009157896
Kannenberg et al. (2022) Drought-induced decoupling between carbon uptake and tree growth impacts forest carbon turnover time. Agric. For. Met. doi:10.1016/j.agrformet.2022.108996
Körner (2015) Paradigm shift in plant growth control. Cur. Op. in Plant Biol. 25:107–114, doi:10.1016/j.pbi.2015.05.003
Litton et al. (2007) Carbon allocation in forest ecosystems. Glob. Ch. Biol. doi:10.1111/j.1365-2486.2007.01420.x
Lempereur et al. (2015) Growth duration is a better predictor of stem increment than carbon supply in a Mediterranean oak forest: implications for assessing forest productivity under climate change. New Phytol. doi:10.1111/nph.13400
Misson L, Rocheteau A, Rambal S, Ourcival JM, Limousin JM, Rodriguez-Cortina R. (2010) Functional changes in the control of carbon fluxes after 3 years of increased drought in a Mediterranean evergreen forest? Global Change Biology, 16: 2461-2475, doi: 10.1111/j.1365-2486.2009.02121.x
Rambal S, Lempereur M, Limousin JM, Martin-StPaul NK, Ourcival JM, Rodriguez-Calcerrada J. (2014) How drought severity constrains gross primary production (GPP) and its partitioning among carbon pools in a Quercus ilex coppice? Biogeosciences, 11: 6855-6869, doi: 10.5194/bg-11-6855-2014
Wallander et al. (2013) Evaluation of methods to estimate production, biomass and turnover of ectomycorrhizal mycelium in forests soils - A review. Soil Biol. & Biochem. doi:10.1016/j.soilbio.2012.08.027
Contexte de travail
La personne recrutée sera hébergée au Centre d'écologie évolutive et fonctionnelle (CEFE) du CNRS Montpellier, l'une des principales unités de recherche en écologie de France. Au sein du CEFE, elle travaillera au sein du groupe de recherche FORECAST du département Ecologie Fonctionnelle, groupe qui se concentre principalement sur le fonctionnement et la dynamique des écosystèmes forestiers sous changement climatique. Le groupe FORECAST gère depuis 1984 le site expérimental à long terme de Puechabon, une forêt méditerranéenne de chênes verts équipée d'une tour de flux par corrélation turbulentes labellisée ICOS et l'une des plus longues expériences de manipulation des précipitations au monde.
Le projet de thèse sera encadré conjointement par Jean-Marc Limousin au CEFE à Montpellier et Maxime Cailleret à l'INRAE RECOVER d'Aix-en-Provence. Jean-Marc Limousin est un écophysiologiste des arbres qui travaille sur les conséquences de la sécheresse sur le fonctionnement, la vulnérabilité et les réponses fonctionnelles des arbres et des forêts méditerranéennes. Il est spécialisé dans la recherche expérimentale basée sur des expériences de manipulation des précipitations, et responsable scientifique de l'expérience de manipulation des précipitations à long terme AnaEE à Puéchabon depuis 2015, et de la station co-localisée ICOS Classe 2 depuis 2019. Il a publié 65 articles dans des publications scientifiques (h-index : 32) et encadré 3 doctorantes et 2 postdoctorants. Maxime Cailleret est un écologiste forestier qui étudie les impacts du changement climatique sur la dynamique de la végétation, avec un accent particulier sur la croissance et la mortalité des arbres. Il est responsable scientifique de l'expérience de manipulation des précipitations AnaEE à Font-Blanche, une forêt de pins d'Alep et chênes verts étudiée par INRAE depuis 2007. Il a publié 52 articles dans des revues scientifiques (h-index : 28) et encadré 4 doctorants.
Le projet de thèse se déroulera dans le cadre du projet PEPR FairCarboN « Drought ForC », un projet de recherche collaboratif impliquant 25 chercheurs de 9 unités de recherche différentes en France. Le doctorant aura l'opportunité de contribuer aux mesures écologiques et physiologiques sur le terrain à Puéchabon et Font-Blanche, de se déplacer sur les différents sites forestiers expérimentaux à travers la France impliqués dans le projet, de collaborer avec des experts de différents domaines et horizons, et d'élargir le champ de ses recherches en participant à des rencontres avec des chercheurs étudiant le fonctionnement des sols, la nutrition minérale des arbres et la modélisation forestière. Le programme national FairCarboN PEPR, sur le cycle du carbone dans les écosystèmes terrestres offrira également un contexte de recherche stimulant pour un jeune chercheur et de nombreuses opportunités de réseautage avec tous les experts du sujet.
Le projet de doctorat est entièrement financé par le programme PEPR, salaire plus frais de déplacement et frais associés aux travaux de recherche.
Le poste se situe dans un secteur relevant de la protection du potentiel scientifique et technique (PPST), et nécessite donc, conformément à la réglementation, que votre arrivée soit autorisée par l'autorité compétente du MESR.
Contraintes et risques
Travaux de terrain sur différents sites forestiers en France
Activités de plein air par temps humide, froid et chaud
Missions et déplacements de plusieurs jours à prévoir
Informations complémentaires
Programme PEPR FairCarboN, projet Drought ForC
Programme PEPR FairCarboN, projet Drought ForC
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